Isolants minces : miracle ou mirage ?
Les isolants minces réfléchissants sont régulièrement présentés comme une alternative avantageuse à une isolation conventionnelle. Qu’en est-il ? Sont-ils vraiment équivalents aux isolants classiques ? Quelle est leur efficacité réelle ?
« Cette demoiselle croit fort que tout ce qui brille est d’or »
(Led Zeppelin, Stairway to heaven)
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Au premier abord, les multiples qualificatifs de la classe des isolants minces dégagent une fine aura d’énergie poétique. Jugez-en plutôt : isolants multicouches, thermoréflectifs ou thermoréfléchissants, films minces réfléchissants, produits minces réfléchissants opaques (PMR), ou encore isolants minces multicouches réfléchissants (IMMR) pour en rester là. Ce florilège restreint n’est pourtant rien encore en regard du chapelet de vertus disséminé par des constructeurs dithyrambiques, à en faire pâlir quelque lessiveuse verte certifiée A+ : voici donc une « nouvelle génération » d’isolants issue de technologies spatiales, aux performances « incontestables » et à l’efficacité « redoutable », dotée d’une « équivalence thermique de 28 cm » et assurant un « confort physiologique » tout au long de l’année. N’en jetons plus.
Des caractéristiques… bien minces
Les isolants minces sont des matériaux sandwich constitués de plusieurs couches d’isolants assemblées par couture, collage ou soudure au sein de deux feuilles d’aluminium ou de film aluminisé qui donnent au matériau son aspect brillant caractéristique. Les couches de cœur sont de nature diverses : feutres d’origine végétale ou animale, laines minérales, mousses synthétiques ou autres films de polyéthylène à bulle. Les couches sont alternées ou multiples, formant des complexes de quelques mm à 3 cm d’épaisseur commercialisés en rouleaux.
Le parement extérieur brillant réfléchit le rayonnement thermique (infra-rouge). Il s’oppose donc, en effet, aux flux de chaleur par rayonnement, du moins tant que la surface métallique ne se sera pas opacifiée par le temps ou recouverte de poussière (la brillance n’est pas durable). Le rayonnement est aussi le moins significatif des trois modes de diffusion thermique à l’œuvre dans un bâtiment : bien plus importantes sont les pertes par convection (calories disséminées par l’air en mouvement) et par conduction (flux de chaleur à travers les matériaux).
Sur le plan de la convection, les isolants minces sont souvent assimilés à des couvertures de survie en étant étanches à l’air. Mais leurs caractéristiques en terme de conduction, qui détermine le coefficient de résistance thermique d’un matériau (R), sont en revanche médiocres. Rappelons à ce titre que l’aluminium est l’un des meilleurs conducteurs thermiques connus. Sur le plan de la conduction ils n’égalent donc pas une isolation conventionnelle, au contraire de ce que continuent d’avancer plusieurs fabricants. De plus, la légèreté de ces matériaux et leur faible inertie thermique leur associe des temps de déphasage très courts qui ne protègent en rien des surchauffes estivales, en particulier sous les combles.
Une évaluation objective des isolants minces a pourtant été réalisée en 2007 à la demande de l’Etat, avec des conclusions très claires* : « Les performances thermiques des produits minces réfléchissants sont très faibles au regard des exigences thermiques actuelles (3 à 10 fois inférieures aux performances thermiques exigées pour les bâtiments neufs chauffés). » La surenchère de couches (plus de 20) de l’offre actuelle ne satisfera pas davantage les exigences thermiques contemporaines (RT 2012 et existant).
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Pour quels usages ?
Quel intérêt peut-on alors trouver à ces produits ? Et quel est l’objet de la multiplication des couches, s’il n’est thermique ? La réponse est probablement à chercher dans la robustesse apparente de ces isolants en tant qu’écrans pare-pluie ou pare-vapeur. Pour preuve l’offre courante d’isolants « blindés » ou renforcés de diverses manières qui inspirent probablement confiance et pallient le manque de savoir-faire encore associé à la mise en œuvre de films d’étanchéité à l’air ou l’eau plus adaptés à ces fonctions (et plus économiques). Citons encore l’avis susmentionné : « L’utilisation en écran sous toiture est à proscrire, compte tenu d’une forte étanchéité du produit à la vapeur d’eau. […] Une utilisation non pertinente ou de mauvaises conditions de mise en œuvre peuvent conduire à des désordres (mauvaise ventilation des charpentes ou des ossatures bois de maisons). »
Car ces produits, en effet, entraînent de gros risques de condensation et d’humidification en cas de mise en œuvre hasardeuse sur l’enveloppe de bâtiments qu’ils sont destinés à « renforcer ». Le CSTB a attribué plusieurs avis techniques en tant que « complément d’isolation », à utiliser donc en renfort d’isolants conventionnels et non pas seuls. Nous invitons donc nos lecteurs à la réserve. A s’informer sur les bonnes pratiques en usage** et à bien évaluer les risques en préalable à toute mise en œuvre.
Sources
* Diagnostic de performance énergétique : Guide / Recommandations, Ministère du logement, 2009.
** Le grand livre de l’isolation : Solutions thermiques, acoustiques, écologiques et hautes performances. David Fedullo, Thierry Gallauziaux, Eyrolles 2011 (3è édition).